Voix de femmes

A l'origine de ce projet, le désir de découvrir et faire découvrir des femmes engagées dans leur pays pour la défense des droits humains et environnementaux. Des femmes dont la voix est puissante et souvent mal connue. A l'origine donc, ma volonté de créer une série de portraits sur les cartes des pays et des villes de ces femmes, pour faire résonner leurs voix et relier leurs voies respectives.

Faire entendre ces voix de femmes au moment même où les talibans interdisent aux femmes de parler en public en Afghanistan! Faire vibrer ces cordes interdites.

Et lorsque Daniel Rousseau, un ami musicien, me dit: "Et tu ne veux pas les mettre en voix?" L'évidence s'impose et nous nous lançons tous deux dans un projet de parcours d'exposition visuel et sonore pour faire entendre ces voix de femmes.

Se pencher sur le sujet des voix des femmes, c'est découvrir un nouveau continent, des questionnements et analyses, des ouvertures artistiques qui ne cessent d'enrichir ce projet de parcours d'exposition. Des voix interdites aux voix disqualifiés, l'histoire a dû mal à passer. Mais les voix s'affirment aussi, de #metoo aux voix engagées pour les droits humains et environnementaux, pour la paix... ils ont voulu nous faire taire, mais ils ont oublié que nous sommes des graines, dit un proverbe mexicain! Faisons-les résonner pour faire vivre les messages et les messagères.

Shaheena Shaheen

Shaheena Shaheen, feutre et crayons de couleur sur carte routière du Pakistan marouflée sur bois, 57 x 49 cm

Le sourire en suspension de Shaheena Shaheen. Le sourire d'une artiste et journaliste à Turbat, dans la province pakistanaise de Balochistan. Le sourire d'une militante pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Le sourire d'une femme qui avait reçu des menaces de mort pour son activité publique mais qui n'avait pas cédé. Le sourire d'une femme assassinée le 5 septembre 2020 par son mari qui désapprouvait sa notoriété publique et voulait qu'elle arrête son activité. Un "crime d'honneur". Horreur de l'honneur. Pour se souvenir de Shaheena Shaheen.

Le collectif de journalistes de Youpress "Femmes à abattre" a réalisé la première enquête internationale sur les féminicides politiques, c'est-à-dire les meurtres de femmes en raison de la cause qu'elles défendent, mais aussi parce qu'elles sont des femmes. https://femmesaabattre.com/ A lire et écouter sur Mediapart.

Source sur le parcours de Shaheena Shaheen: HRD Memorial notamment.

Dream's Tree

Un p'tit bout, un détail du rêve de l'arbre... pour une installation du parcours d'exposition "Voix de femmes"... Dans l'espace des voix interdites, entendre les murmures, la poésie orale entre les interstices des branches.

Papier découpé, 29x42 cm

#metoo Tarana Burke

#Metoo, feutre sur plan de New-York (Etats-Unis) marouflé sur bois, 74 x 57 cm

Militante américaine, Tarana Burke est née en 1973 à New-York, dans le Bronx. Elle était éducatrice lorsqu'en 1996, une jeune fille de 13 ans lui confie les viols dont elle est victime. Elle-même victime de violences sexuelles, Tarana Burke ne parvient pas à s'ouvrir à la jeune fille pour lui dire Me Too. Elle lance en 2007 le Metoo Movment qui vise à créer une chaîne de solidarité pour les victimes d'agressions sexuelles. Dix ans plus tard, en 2017, au moment de l'affaire Weinstein, le #metoo est repris par l'actrice américaine Alyssa Milano pour dénoncer les violences sexuelles qu'elle a subies. Le # devient viral, déclenchant une prise de conscience de l'importance des violences sexuelles dans la société américaine et le monde entier. Mais il faudra plusieurs semaines, l'intervention d'internautes et d'Alyssa Milano, pour que la presse reconnaisse à Tarana Burke l'origine du mouvement. Tarana Burke reste encore mal connue dans de nombreux pays, dont la France. Son livre, best-seller aux Etats-Unis, n'est toujours pas traduit en France en 2024. La disqualification des voix des femmes est renforcée pour les femmes appartenant aux classes populaires et/ou minorités raciales et/ou sexuelles. Faisons résonner ces voix qui comptent.

Sasha

Sasha, feutre sur carte routière de la Russie marouflée sur bois, 90 x 78 cm

Artiste russe de 35 ans, Alexandra (Sasha) Skotchilenko est une écrivaine, musicienne, dessinatrice et vidéaste de Saint-Pétersbourg. Elle a participé après l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février 2022 à une action artistique lancée par le mouvement Résistance féministe anti-guerre qui proposait de remplacer les étiquettes de prix des supermarchés par des auto-collants avec des slogans contre la guerre, comme: "On envoie des conscrits en Ukraine. Le prix de cette guerre: la vie de nos enfants. 500 roubles l'unité." Il s'agissait de jouer sur les notions de prix, de la valeur et des valeurs dont le régime poutinien ne cesse de parler.

Le 31 mars 2022, Sasha Skotchilenko a remplacé les étiquettes de prix d'un supermarché de Saint-Pétersbourg par un autocollant dénonçant le bombardement par l'armée russe de l'école des Beaux-Arts de Marioupol, où 400 personnes s'étaient réfugiées. Dénoncée par une cliente, elle est arrêtée et emprisonnée. Le 16 novembre 2023, elle a été condamnée par le tribunal de Saint-Pétersbourg à 7 ans de colonie à régime sévère en vertu de la loi sur les "fausses informations". Elle a été libérée le 1er août 2024 dans le cadre d'un échange de prisonniers entre la Russie et l'occident et vit désormais en Allemagne avec sa femme. Lors de son procès kafkaïen, Sasha a eu des mots très forts que nous souhaitons faire entendre dans le parcours d'exposition. U n hymne au courage et à la résistance porté par une personne lumineuse.

Cf. notamment l'article d'Olga Medvedkova du 25 novembre 2023 dans Desk Russie, "Pour l'artiste russe emprisonnée Sasha Skotchilenko, avec tendresse et espoir".

"Stay Together" -Amira Osman Hamed

Stay Together, feutre sur carte routière marouflée sur bois, 35 x 48,5 cm

Amira Osman Hamed est une militante soudanaise engagée pour la défense des droits humains et de la démocratie dans son pays. Elle a été emprisonnée à plusieurs reprises pour "port de pantalon", "non port du voile" et pour son action engagée.

"Ne les laisse pas te terroriser. Restez ensemble, c'est quand vous êtes ensemble que vous êtes fortes", lui disait sa mère en parlant de l'armée et des islamistes à chaque fois qu'elle sortait manifester. Elle reprend ces mots...

Le visage d'Amira Osman Hamed m'a happé. Son courage et sa détermination, faire résonner sa voix, faire entendre sa voix!